Profile de deux créateurs québécois aux techniques particulières
Par Christine Dwane
L’art de «l’estampe-clastique »
Avant même d’atteindre ses vingt ans, Matthieu Cheminée quitte sa France natale pour s’établir à Taos, au Nouveau-Mexique, où pendant sept ans il s’initie au métier de bijoutier en côtoyant des orfèvres Navajo, Zuni et Hopi. Il y apprend plusieurs techniques dont le poinçonnage. Il poursuit son apprentissage au Mali, en Afrique de l’Ouest, pendant plusieurs années où il a la chance de travailler et de se perfectionner auprès de bijoutiers Touaregs, Peuls et Bambara. En 1998, il s’installe au Canada. Il suit alors une formation plus classique du métier dans une école de joaillerie à Montréal où il est amené à enseigner par la suite.
Les bijoux de Matthieu Cheminée se distinguent par leur signature minutieuse et l’influence de « techniques ethniques ». Il travaille l’estampage à un niveau de perfection à partir de plaques de métal (ou, argent sterling) entièrement poinçonnées et rehaussées de pierres précieuses. Dans certains cas le morceaux de métal est recyclé, estamper et ensuite mise en forme anticlastique, ce que Matthieu nomme «stampclastique ». Cette technique de poinçonnage est pratiquée au Nouveau-Mexique et dans toute l’Afrique, est à la base de ses créations.
Au cours de ses nombreux voyages en Afrique de l’Ouest, il a entrepris de faire des recherches et répertorier des techniques de bijouterie souvent portées à disparaître. En hommage à ces gens du métier, il a publié un ouvrage intitulé « Legacy: Jewelry Techniques of West Africa » aux éditions Bryn-morgen Press (É-U).
En 2014, face à la générosité des bijoutiers qu’il rencontre lors de ses voyages et leur manque d’outils, il crée en collaboration avec le joaillier Tim McCreight la Toolbox Initiative et la Toolbox Travel. Ces deux projets complémentaires ont pour but de récupérer des outils neufs ou usagés offerts par des bijoutiers nord-américains qui sont ensuite acheminés en Afrique de l’Ouest tout en permettant des séances de travail avec des maîtres bijoutiers du Sénégal.
Origami joaillier
Natif de Montréal, Roland Dubuc découvre la joaillerie en 1975 lorsque, après des études en arts plastiques, on lui offre un emploi comme apprenti joaillier.
En 1993, après 18 ans de travail dans l’industrie, il présente ses premières collections au Salon des métiers d’art du Québec où il reçoit, dès cette première participation, le Prix de la relève Jean-Cartier décerné par le Conseil des métiers d’art du Québec. En 1998, à ce même Salon, il est le lauréat du prestigieux Prix Jean-Marie Gauvreau, soulignant la créativité, l’originalité et la qualité du travail.
Pendant 12 ans, il continue à participer au Salon des métiers d’art avant d’ouvrir son atelier-boutique dans le Vieux-Montréal. Son style particulier attire l’attention de la galerie Aaron Faber, de New York, qui l’invite à participer à une exposition internationale de joailliers. Il est, depuis, un des artistes permanents de la galerie qui le représente également à SOFA Chicago. Maintenant établi au centre-ville de Montréal, il poursuit son travail de création dans son nouvel atelier où il reçoit ses clients sur rendez-vous.
Sa démarche artistique en joaillerie l’a poussé à s’éloigner des modes de fabrication traditionnelle en développant une technique unique qui s’apparente à l’origami et exige une grande rigueur. À l’aide d’esquisses, il réalise des maquettes en papier qui lui permettent de vérifier les formes à partir de différentes expériences de pliage. Chacune de ces maquettes est ensuite utilisée comme modèle pour être soigneusement sciée d’une seule pièce directement sur une plaque d’or ou d’argent. Puis cette plaque est pliée, tordue, nouée et formée pour ajouter du mouvement et du volume. Au final, ses pièces se distinguent par l’originalité de leurs formes et la précision du travail sans soudure. CJ